Les Dames ont perdu le Chemin

à tous les Chemins des Dames
et à leurs enfants

Toi qui m’as fusillé

Toi qui m’as fusillé
Tu es vivant
Tu es un héros
Héros de ma mort
Fier de m’avoir tué
De n’être pas mort.
Tu m’as obligé à partir
A avoir envie de mourir
A être un héros
Pour le monument aux morts.
Toi qui déclares la guerre
Pourquoi ne la fais-tu jamais ?
Tu t’habilles de ma jeunesse
Des éclairs de mon sang
Des visions de mon corps.
Tu as soif de ma mort.
Pour qui ?
Pour quoi ?
Pour la patrie
Ses frontières ?
Pour les deux rives d’une rivière ?
J’ai bu la boue la neige
Les matins sans lumière
Mon corps n’était qu’un cercueil.
Où étaient-elles les Dames du chemin ?
On peut tuer le maître du cheval
Et le cheval avance
Toujours
Et toujours encore
Même avec le tueur de son maître
Jusqu’au bout
Là où pleurent la suie les frelons et les mantes
Là où il n’y a plus de port.
La folie n’a pas d’âge
Elle tue à chaque instant.
Tu m’as fusillé
Tu as fusillé le cheval dans mes yeux
Tu as fusillé sa course
Tu as fusillé les mots d’amour sur mes lèvres
Tu as fait sauter les boutons sur le coeur du printemps.

Septembre-Octobre 1999