Au bord du lac Toba

à ceux qui courent

Vous qui ne courez pas
Qui ne voulez pas courir
Venez à ma suite
D’un arbre à l’autre vous serez oiseaux
Oiseaux-cigales
Cigales-oiseaux
Cigales
Vous courrez avec la horde blanche des nuages
A la conquête de plaines riches d’infini
Epicé de fleuves-danseuses-Matisse
Vous courrez avec les éclairs sans saisons
Là où les oiseaux vont enterrer leur chant
Avec les baleines des océans
Qui crient leur liberté à la terre immobile
Avec le rire des étoiles filantes
Qui tombent insouciantes avec les mirages
Où s’abritent les rêves en danger
Ceux qui courent hors d’haleine
Ceux que l’amour illumine
Nourrit
Et que sa force empêche de mourir.
Laissez-moi courir.

 

Quel bonheur de courir
Quel bonheur de ne jamais arriver
De ne penser qu’à courir
Quel bonheur d’être vivant
De poursuivre la vie qui court
Qui s’en va
Qui nous regarde en face
Avec le sourire de la vie
Quel bonheur de crier aux matins et aux soirs
Avec les coqs batak
Autour du lac Toba
Blotti dans l’œil-cratère aux mille soleils de Sumatra
Terre rouge de coquelicots-souvenirs
Sans rosée
Aux lourdes senteurs d’abandon
Dans les jardins qu’on ne veut pas cultiver
De peur qu’ils nous empêchent de courir.
Quel bonheur de grimper sur les collines
Où campe la beauté du non vu
Du deviné
De ce qui est attendu
La beauté des horizons qui courent sans fin
Au visage bleu
Au visage vert
Celui qui nous fait signe du côté de la porte
Celle que tu peux ouvrir.
Quel bonheur si tu m’appelles à courir.

 

Pilotis peints dans l’herbe.
Les hauts banians sont en deuil.
La cour du palais est déserte.
Les hérons pleurent du haut de leurs nids.
Danse autour du taureau
Tué.
Le fils unique du roi est mort.
Personne ne peut courir.
Seul le silence court après un nuage
Trop léger pour être dit.

 

Là-bas Autour du lac
Qui peut compter les palmiers…
Mais
Près de mon rivage
Il n’y en a que deux
Les nôtres
Pour caresser le vent du large.
Ils savent se parler.
La nuit engrange leurs dires pour les jours vides.
Un oiseau court au ras de l’eau.
Arrivera-t-il sur l’autre rive ?

Décembre 2000 – Janvier 2001