Champ de soleils

à Sarah

Les berges du temps
Glissent
Se dérobent
Sous le silence de l’espoir .
Les eaux du passé sont profondes .
Les visages s’écaillent dans les miroirs .
Et le présent
Quand sera-t-il présence ?
La ligne de là-bas n’a plus d’ailes .
Où sont-elles les erres du vent ?

Il est toujours là
Dans mes mains
Dans mon corps
Il attend
Il a le coeur qui bat
Très fort
Le champ de tournesols .
Mon père
L’avait semé
Le premier
Dans la plaine
Au printemps .
Les oiseaux et les nuits des autres champs
S’y donnaient rendez-vous
Joyeux
Chaque soir
Et m’invitaient à attendre
A m’asseoir
Avec eux
Avec les étoiles du matin
Obligées à l’espoir .
Nos songes
Attendaient
Impatients
De voir jaillir
De la terre
Les soleils
Dans le champ .
Explosion soudaine
Un matin
De lumière
De plaisir
De promesses
En haut des hampes
Dans le vert
Frémissant
Du désir .

Plus loin
-Etait-ce à la lisière des soleils
Les soleils de mon champ ? –
L’empereur Minh- Mang
Remontait
Serein
La Rivière des Parfums
Chercher son voyage
Le dernier
Avec ses Mandarins .
Après la Pagode de la Dame Céleste
Devant les montagnes bleues
Il s’asseyait
Au bord de la beauté
A attendre
Sans impatience
La floraison des étangs
Et … que les arbres grandissent
Sur les collines
Avant le Pont de l’Intelligence
De la Sagesse
Le pont de la dernière colline
La colline vide
Couverte de cèdres .

Minh-Mang
Reposait depuis longtemps
Dans sa colline
Assourdie de cigales
Quand j’ai traversé le pont
Avec toi
Ma rivière-caresse
Sourire de parfums .
Sur les berges du temps
Les tournesols
Se sont tournés
Soleils-lingas
Joyeux
Vers le couchant .
Les hautes herbes
Se muaient en nuages
Pages du désir
Lues par le vent
Là-bas
Où le soir
Se fait voyage .

Février 1997