Déchirures

aux filles et garçons violés de Tchétchénie

Dans les prisons de Tchernokozovo.
Vous l’entendez?
La bête hurle.
Le silence explose.
Elle est affamée de déchirures.
Son sang est en manque d’yeux qui se dilatent
Se dilatent à l’infini de la douleur
De la peur.
La bête hurle
“C’est mon tour”
Dix
Vingt
Trente fois
Et plus encore
Elle hurle
Elle déchire les tympans
Elle hurle
“C’est mon tour”
“C’est mon tour”
“C’est mon tour”.
Vous l’entendez?
Jupes retroussées
Pantalons baissés
La bête est multiple
Elle hurle
“C’est mon tour”.
Le ciel tremble
La terre s’ouvre
Le soleil tombe
S’écrase.

Soudain
Débris de silence.
Nuits du corps
Ecartelé
Meurtri
Infinitude
Morte
De l’âme
Sentier sans retour
Inconscient
Où les cris
Déchirés
Déraillent
Sur la plaie
Sans contours
Désespérance d’une aube
Qui n’arrive plus à faire surface
A remonter des profondeurs
Où se meurt
Derrière les râles de la bête
La folie
Folle
De la peur.

“C’est mon tour”.
La bête
Multiple
Hurle
Affamée
Encore
Toujours.

Vous l’entendez?

Mars 2000