Il y a un cri d’enfant au coeur de l’hiver

à mon frère Agostino

Il y a un cri d’enfant au coeur de l’hiver.
Sur les rives des fossés
Entre-champs
Plaies nues
Douleur gelée,
Avec le soleil
Bas
Égaré
Couché au ras des labours,
L’enfant est là
Derrière le temps
A attendre
Dans ses sabots de froid
Le printemps.
Il entasse des branches de brume
Sous les arbres élagués par le vent
Les longues nuits sans lune
Où s’enfante le givre
Et où la mémoire se fait sang.
Fagots inutiles.
Foyers éteints.
La route de l’étable
Tiède de contes étendus sur la paille
S’est perdue dans le temps.
Les nuages roulent
Lourds
En quête d’orages.
Sur les rives de l’absence
La neige pleure autour de l’enfant.
Elle voudrait être chaleur
Pour son corps
Où se transit le silence.
Il y a un hiver au coeur de l’enfant.
Serait-il devenu trop grand pour les brochets et les tanches ?
Blottis dans les joncs
Ils fraient avec leurs songes
Avec le ciel
Qui tombe
En février
Dans les fossés
Lavés des feuilles mortes.
Y aura-t-il un printemps cette année ?
Le désir fera peut-être déchirer les sépales des iris d’eau
Et revenir les loriots incendier soudain l’air du matin.
Derrière le temps
J’ai peur qu’il n’y ait plus rien,
Qui pleure
Pour l’enfant.

Janvier 1992