Je m’en suis allé guetter le printemps

   

 

 J’ai vu les pêchers rougir à l’aube. Je ne sais devant quelle nudité.
    Dans l’herbe à peine née j’ai vu la terre déverser l’or de ses colliers. Je ne sais avec qui elle veut se marier.
    J’ai dévoilé la cage aux appeaux et le désir s’est mis à chanter. Avec son appel, mûri à l’ombre de l’hiver, je m’en suis allé guetter le printemps sous les mûriers. Personne ne m’avait dit qu’on les avait arrachés dans la nuit de ce temps que l’on ne voit pas passer. Ils faisaient trop d’ombre, après la saison de la soie, sur les jeunes luzernes de l’été.
    J’ai eu soudain si froid que j’ai demandé au vent un manteau et me suis allongé, le visage tout près d’un nouveau nid d’alouette, pour guetter le printemps en plein champ de blé.
    Quand tu seras là… nous suivrons sa joie de liberté.

Mars 1995