J’irai chercher le feu

Sur les sentiers du regard
Qui plongent
En courant
Dans l’oeil infini du voyage
Amour ouvert
Vivant
J’irai chercher le feu
Pour mes hivers
Au bout du couchant
Où le vent
Emporte
Depuis toujours
Les pétales de tes cerisiers
Au début du printemps…

Sur la pierre
Polie par la nuit
Par la solitude du silence
Où tu m’as assis
Blessé
Depuis longtemps
Avec tes pluies
Ton absence
Mon corps
Mon âme
Se meurent de froid
Entés de givre
D’arbres écimés
Que tes promesses
Si habiles
D’unété
Aux caresses de coquelicot
Aux mains de blé
Aux yeux de lucioles
N’ont su réchauffer
Ni faire tressaillir
Dans leur étendue
Leurs désirs
Emotion d’immense
Jouissance d’ailes
Regards de songes
Incendie de solstices
Que tes lèvres fermées
Sans soif
Sans haleine
Si bien affilées
De salives amères
Après
Gluaux d’envols
N’ont su qu’éteindre
Qu’ éclamer. ..

Sur les sentiers du sourire
Qui se cachent
Troublés
Timides
Fleuris de lumière
Aux senteurs d’étoiles
Dans les plis du regard
Irisé de nuits calmes
Plénitude ouverte
Parcourue d’élans
Oubliés
Retrouvés
J’irai chercher le feu
L’apprivoiser
Dans les rets du temps
Où les saisons
Toujours neuves
D’amour
De vent
Tissent les arbres
Des lisières aux encens
Des lointains fragiles
Pour les pentes du ciel
Si vert
Transparent
De mon infini
De tes champs…

Derrière les murs
Morts
D’un enclos sans route
Sans songes
Où tu m’as enfermé
Caché
A attendre
Ton retour oublié
Du temple
Aire des vestales
Vierges épouses fardées d’aurores
Rusées de cendres
Qui pleurent
En riant
Le feu
Epoux des foudres
Dieu sans tache
Tué par les semblants
Leurs yeux
Leurs lèvres
Déflorées
Voilés de blanc
Dans ces sillons
Creusés dans leurs champs
Pour piéger l’amour
Les oiseaux du soir
La soif des mendiants
Les regards de passage
Qui ne durent qu’un jour
J’attends
–Est-ce depuis toujours–
Près d’un espoir
Trempé de matins
Si vides
Ton retour
Promis un soir
Avant ton départ
Sans savoir
Ni ton chemin
Ni le jour.

Sur le sentier du retour
Des mains tendues
Retrouvé sous l’oubli
Où tu viens me chercher
Avec un trésor de mots nouveaux
Poème ouvert
Vivant
Je n’entendrai plus
Désormais
Lancinants éperdus
Les cris des martres
Prises au pièges
Les nuits sans lune
Si longues
A attendre
Transi d’absence
De solitude…
Mais avant de partir
Ensemble
Avec l’amour des regards
De nos sourires
Dans l’oil infini du voyage
Je mettrai le feu aux ronces
Blessure de la mémoire
Plaie du songe
Et nous irons déchirer
Forts de nos orages
La tenture du couchant
Pour nous asseoir sous l’arbre des foudres
Jeune
Toujours tendre
Inconsumable
Qui donne la vie
Delà le temps
Au feu
Au désir
A qui s’assoit pour mourir
Par ses fruits de rosée
D’étoiles fondues
Absolu de sources
Mûri par le vent
Qui emporte
Depuis toujours
Les pétales de tes cerisiers
Au début du printemps…

Avril – mai 1991