La porte est entrouverte

La porte est entrouverte
Je voudrais la fermer
Mais quelqu’un pourrait passer
Et j’ai si peur du silence,
Halètement de solitudes
Au coin du feu
Au bord du lit,
Passés éteints
Suaire d’ombres
Où s’endort le jour
Où veille la nuit
Vierge égarée
Dans son attente
Sans contours
Sans l’étreinte du souvenir
A l’orée de la mémoire
Où saignent les étoiles
Avant de mourir…

Dehors la brume avance
Au bout de la plaine
Déjà glanée
Nue de présence,
Infini caché
Aux fenêtres closes
Blessures du vide
Où le vent balance
La cage aux songes
Encensoir de l’éphémère
D’oiseaux crépuscules
Nourris de mensonges,
Paroles de solitudes
Inventées par le désir
Au seuil de l’inutile
Pour retenir l’espérance
Qui fuit dans la brume
Au rythme de l’absence…

Sur la route perdue
Aux lunes d’asphalte
Où les lucioles se sont tues
Dans les talus de la nuit
Boue de basalte,
J’écoute immobile
La brume qui avance,
Les pas esseulés
D’un espoir qui s’en va
Blessé de silence,
Echo lointain
Des paroles aimées
Saison de présence
Qui sombre fanée
Dans le vaste miroir
Hanté de visions
Voilées de regrets
Où je courais autrefois
Nu de nuages
Contempler sur les toits
Les oiseaux de l’aurore
Oiseaux horizons
Se nourrir d’améthystes
Sur les branches du désir
Arbre d’orages
Source des songes
Qui déchiraient les mirages
Au bord de l’amour
Et semaient les saisons
D’étoiles et rosées
Ravies à l’espace
Si mûr de tendresse
Dans les champs de l’extase…

La porte est entrouverte
Il faudrait la fermer
Dehors il n’y a personne
Seule la brume qui avance
Et… l’espoir est arrivé
Sous l’arbre aux silences…

Dans la plaine en dérive
Le bruit d’une branche
Qui morte se brise…

Mai 1988