L’enfant de la gare des champs

Un après-midi d’un début de printemps
L’enfant est arrivé à la gare des champs
La dernière gare de ses songes
Si verts de blés delà les rails
Qui s’arrêtent à l’horizon
Tranchés nets par la clarté
L’infini d’un couchant
Mais personne n’est là à l’attendre
Car personne ne l’attend…
Après avoir souri tant de nuits
A la lune du verger
D’un gros panier à maïs
Où ses parents le couchaient
Autour d’un tas de cambarles
Qu’on épanouillait en chantant
Il est monté dans un train
Le dernier train de l’amour
Disant bonjour en passant
Aux nuages vêtus d’oiseaux
Pour s’en aller vers l’horizon
Où tu vis sans paroles
Où tu parles par tes yeux
Par le sourire de tes caresses
Et à toutes les gares où il s’arrêtait
Il s’attendait à te voir
Courir vers lui à travers champs
Ceint de songes et de tendresses
Mais personne n’est là à l’attendre
Car personne ne l’attend…
A la dernière gare il fallut descendre
Du dernier train chargé de songes
Et sur un quai si vert de trèfles
Il regarde delà les rails
Où court et va son horizon
Mais personne n’est là à l’attendre
Ni à courir à travers champs
Car personne ne l’attend…
Toi l’enfant des promesses
Tu lui avais dit de t’attendre
Sur le quai de tes silences
Où fleurissent dans ton regard
Les certitudes d’une espérance…
– Le voyage sera long
Disais-tu à son attente
Je viendrai à ta rencontre
Ne crains pas de partir
Je serai là pour tes songes
Où s’enivrent mes désirs…
Je te prendrai par la main
Et nous irons à travers champs
Dans les herbes de l’horizon
Où l’amour nous attend…
L’enfant s’est assis devant la nuit
Sur son banc fleuri de songes
Il est toujours là qui t’attend
Mais sur le quai il n’y a personne
Il n’y a même pas ton silence
Car personne ne l’attend…
Tu t’es perdu à travers champs
Sur les rails sans horizon
Pour cueillir des instants
Fleurs d’un ciel qui se fane
Dans les yeux des champs de blé
Oubliant l’ami enfant
Sur le quai sans amour
Où personne n’est là à l’attendre
Car personne ne l’attend…
Le dernier train est reparti
L’enfant est seul devant la nuit
Il ne peut plus revenir
Aux cambarles du maïs
Au panier plein de songes
Aux lunes mûres de désirs
Car personne ne le cherchera
Dans le noir où il s’est perdu
Dans les champs si déserts
D’une gare qui s’efface
Où personne ne l’a attendu…
Demain de là les rails du matin
Où s’en va toujours l’enfant
Peut-être y aura-t-il quelqu’un
Qui le cherche et… l’attend…

Mai 1990