L’herbe était déjà haute

à Gusto de Zena

C’était le mois de mai.
Dans le val près de la mer
L’herbe était déjà haute
Tendre.
Le printemps s’y roulait avec le désir
Enceint d’été
De fleurs de chicorée
Aux couleurs de ciel à peine né.
Le soleil n’en finissait pas de fleurir.
Alors
Ceint de son coyer
Il s’est mis à faucher l’herbe et les matins
Chargés de promesses
De rosée
De visions qui courraient sa jeunesse
Ses sentiers.
Il a acheté deux génisses
Trop belles
Lisses
Grises
Presque flaves
Aux cornes douces
Naissantes
Où se posait
Légère
La lune d’Isis
Les soirs de quête
Quand la lumière ne sait où se poser
Malgré sa joie
Son envie de chercher.
Dans la pénombre
Chaude
Vierge
De son étable
Sous-bois
Songe
Mirage
Son regard couvrait les génisses de tendresse
De gestes-sourires
De brumes-caresses.
Ses vieilles mains
Tremblantes
Leur offraient des feuilles
Des branches
Fraîches
D’alisiers blancs et de chênes
Cueillies par l’aube
Avant que la nuit ne se fane.
Elles ont ruminé
Paisibles
Plusieurs saisons
Les foins mêlés de soleil
Les horizons mêlés de mer et d’écume.
Mais
Un matin
L’étable
Fut pleine d’absence.
Son cœur s’arrêta
Sans larmes
Il tomba dans ses yeux
Lacs vides
Salés
Asséchés.

Il s’est perdu.

Janvier – Février 2001