Odeurs du vent du nord

Premier quartier de lune .
Vent du Nord .
Il sent le souvenir .
Odeurs fortes de hennissements
Cassés .
Automne de chevaux
Pris dans la glace
Au matin
En Carélie .
Tous les soleils
Tous les étés
N’arrivent pas à faire taire l’infini .
Qui s’en souvient encore ?
C’est si loin .
Peut-être la Mer du Nord .
Elle s’en va
Depuis toujours
Avec ses vagues et le vent
A la rencontre de l’autre Mer
L’amie de l’Est
Où se prend dans la glace
Avec le temps
Le souvenir .
Odeurs de silences
Mutilés .
Les vagues n’arrivent pas à l’oubli .
Le sel
Insistant
Crie au mur du vide .
Mon âme attend .
Qui fera taire son infini ?

Pleine lune .
Vent du Nord .
Il sent les solitudes .
Odeur close de labyrinthe .
Soif de l’âme qui se brise .
Mon corps est désert .
Il tend la main .
Mais il est si dur le vide .
Au loin
Tempête de songes
Sur les ailes de goélands à la dérive .
Tumulte de silences .
Ils explosent en cris d’écume sur la rive .
La mer court
Haletante
Les promesses l’attirent
L’appellent
Elle file
Fleurit
Se fane
Sur le sable
Avec les derniers jours de l’été
Les dernières méduses
Laissant au vent ses pétales fragiles
Transparents
Qui roulent sur les dunes
Sceaux éphémères
Dans les mains de l’instant
Où l’herbe a trop froid pour avoir des ruses .

Dernier quartier de lune .
Vent du Nord .
Il sent le large .
Odeur chargée d’ailleurs
D’inconnu
Sans écluses .
Brumes déchirées sur le possible voyage .
Le renard court dans les dunes .
Dans l’espoir quelques syllabes de nuages .
Feuilles des goélands à l’arbre des promesses .
La mer s’en va au rendez-vous des rencontres .
Elle m’invite à bord des bateaux-dunes
Qui cherchent naufrage dans une caresse .
Dans ma main une feuille de papier .
La feuille d’un bateau-songe .
Sera-t-elle une feuille d’été ?
J’y ai dessiné le visage d’un soir
Pour le baiser des deux mers
Mer du Nord
Mer de l’ Est .
Une seule langue
Mouvante
Un peu de sable
Où elles se cherchent
Se chevauchent
Lèvres contre lèvres
Pour crier leur sourire
Aux oiseaux qui passent très haut
Au bonheur d’être ensemble .
Seras-tu au rendez-vous des mers ?
Mes mains caressent le sable .

Pas de lune .
Pas de vent .
Seul le cri de l’infini .

Octobre 1997