Pêcheurs de sable

aux enfants de la Rivière des Parfums

Main
Ouverte
Le village flottant
Invite aux caresses .
Sur la Rivière des Parfums
Le long de la nuit
Veillent les sampans .
Je regarde
Plonger
Remonter
Pêcheurs de sable
Les enfants .
Sur le lit du fleuve
Dans le sable
Y a-t-il des songes
Encore possibles
Delà le présent ?
Chant des coqs
Soudain sur les sampans .
L’aube
Tue l’aurore .
Le matin
Tue l’aube .
Il y a du sang
D’ombre
Sur la rivière
Les enfants .

Enfance
Ma plaine
Je ne vois plus
Les enfants
Desherber
Les blés
Avant l’aube
Au printemps .
Plaine
Mon enfance
Où sont-ils
Les enfants
Qui glanaient
Jadis
En été
Les épis oubliés
Au couchant ?

Sur la Rivière des Parfums
Les enfants
Plongent
Remontent le sable
Dans les paniers
Sur les épaules
Vêtues d’algues .
Cri du soleil
Soudain
Sur les sampans .
Le jour
Tue le matin .
Le midi
Tue le jour .
Il y a du sang
De fées
De contes
Sur la rivière
Les enfants .

Mûriers
Mes enfants
Je n’effeuille plus
Depuis longtemps
Vos cimes
Vos branches
Pour la soie
Des amants .
Maïs et luzernes
Lits des orages
Je ne cours plus
Après l’arbre
Son ombre
Le vent
Chercher la fraîcheur
A midi
Dans vos champs .

Les sampans
Immobiles
S’étirent
Soupirent
Sur la Rivière des Parfums
Où s’écoulent
Dociles
Les eaux
Les instants .
Ils plongent
Toujours
Remontent le sable
Blottis
Dans l’oubli
Les enfants .
Appels d’oiseaux
Soif
Désir
Sur les grèves
Vertes
Près des sampans .
Le couchant
Tue le midi .
Le soir
Tue le couchant .
Il y a du sang
De songes
Qui se meurent
Sur la rivière
Les enfants .

Fossés et rivières
Veines de l’hiver
Où sont-ils
Les enfants
Qui pleuraient
Les pieds
Dans la glace
En attendant
De courir
Insouciants
Riants
Sur les routes
De Pâques
Les crémaillères
A polir
Attachées
A leurs flancs ?
Enfance
Ma plaine
Ils sont partis
Les enfants
Qui fleuraient
Les nids
Les brochets
Sur les rives
Du printemps .

Sur le village flottant
La nuit
Tue le soir
La rivière
Ses parfums .
L’aurore
Tue la nuit .
Les enfants
Ont-ils dormi ?
Pêcheurs de sable
Ils plongent
Remontent
Replongent
Sans avoir
Jamais
Le temps
De se voir grandir
Delà les jours
Toujours les mêmes
A bord des sampans .

Mars 1997