L’orgueil des sous-bois

Dans les vallées
La brume
Vend des foulards aux rizières oubliées.
Je l’ai rencontrée
-Etait-ce un hasard ?-
Lors d’un voyage aux confins de la vérité
Quand tout semble basculer
Entre doutes
Quêtes
Eclaircies
Entre départs
Arrivées
Nuits.
Pourquoi être parti ?
La vérité n’est peut-être nulle part
Sinon dans l’orgueil des sous-bois
Où l’ombre s’interroge
Et la lumière ne sait que répondre
Devant tant d’infini.
Au bout de là-bas est-il une ligne d’arrivée ?
L’horizon
Avec ses ruelles
Qui se croisent et se perdent
Ne le dit pas
Mais il y a tant de monde
Qui voudrait y croire
Qui croit.

Senteurs tièdes de théiers
Cantilènes diaphanes de pèlerins
Levés avec l’aube
Attendue
Après la traversée de la mer des sables
Assis au bord du cratère Bromo
Porte des profondeurs
Où descendent
Lentement
Les regards du fini.
Fumée acre
Jaune
Cendres d’ailes
Qui montent
Lentement
Vers les lèvres ouvertes de l’inattendu.
Brume de souffre
Ou de vérité perdue ?
Le soleil est enfin venu
Je m’en souviens
Mon âme l’a senti
Elle a tressailli
Et s’est remplie d’un sourire imprévu.

Très loin
Au même instant
Dans le ciel de l’extrême nord
La lune était jaune-tournesol.

Borobudur
Colline-stupa
Dôme immense de l’inutile
Montagne de la vérité
Forêt de Bouddhas.
La brume a vendu tous ses foulards
Et les rizières se souviennent des caresses des labours
Et retrouvent des lointains en sourire
A l’orée de l’infinitude verte
Où court le désir.
Borobudur
Fuite des délices
Long cheminement vers la vacuité
Enfilade d’escaliers et de portes
Qui mènent là-haut
Au détachement suprême
Course verticale
De terrasse en terrasse
Les mains tendues
Qui voudraient s’accrocher
Saisir.
Mais y a-t-il quelque chose à saisir ?
Entre leurs doigts
Il n’est que l’immanence
L’enfermement du vide.
Non désir
Non caresse
Non source
Non présence
Non sourire
Non attente
Non vie.
Pourquoi ?
Pour ne pas souffrir.
Tout en haut du Borobudur
Je regarde
Les yeux fixes
Dilatés
Et je sens sur mon âme
Le froid du silence.

A Prambanan
Tout près du Borobudur
Dans le temple de Shiva
Le désir se fait plaisir
Il est chemin de connaissance
Rencontre
Dépassement
Extase
Rendez-vous
Attente-délivrance.
J’aime attendre et courir.
Sur la route
On rencontre toujours quelqu’un
A qui sourire.

L’orgueil des sous-bois sait-il ce qu’il faut choisir ?

Plus tard
Quand je serai rentré
J’irai visiter mon jardin
Mon verger
Et je saurai
Enfin
Avec sérénité
Quelles fleurs ont fleuri
Quels fruits ont mûri
Avant que l’eau de l’espoir-enfant
Ne se change en glace
Avec la vérité
Avec l’absence
Devant la porte
-Est-elle fermée ?-
De la transcendance.

L’orgueil des sous-bois
Est toujours aux aguets.
Il sait attendre.
Moi aussi.

Mai-juin 2001