Mon amour guérira

Blessé
Mes mains répandent des caresses inutiles
Sang de sèves qui n’ont pas trouvé assez de couleur pour vivre.
Il n’y a plus de coquelicots dans les champs.
Sur les pentes de mon amour
Je ne trouve plus de fleurs.
Les lys des vallées ont disparu
Et je ne saurais à qui les donner.
Leur saison a été effacée.
Battu à mort
Le jaune domine mes yeux et mes lèvres
– Ce n’est pas le jaune des blés mûrs –
Malgré la lumière de mon regard
Qui a su ressusciter
Des orties et des voiles déchirées
D’une plaine-mer où se mêlent les rives du présent et du passé.
Je suis parti pour l’île d’Inwa.
A l’embarcadère
L’Irrawaddy m’a reconnu.
IL a vu mes larmes.
Pour me consoler
Il m’a fait un grand sourire de pagodes dorées.
Je l’ai traversé.
Mon amour était très lourd.
Je l’ai déposé dans un linceul de rizières
Sur un char tiré par deux zébus blancs.
Les pagodes
Emues
Perdues dans l’eau et les palmiers à sucre
Ont entonné le thrène des blessés à mort
Complainte de ceux qui ne veulent pas mourir
Mais sont si près de la mort.
J’étendrai mon amour
Avec tendresse
Parmi les pilotis dorés du monastère de Bargaya
Au pied de toute ma douleur
Et de la vie qui s’en va.
Je n’ai plus de larmes.

Dehors
Au soir
J’ai vu quelqu’un prier.
Mon amour guérira.

Octobre 2001