Le vent viendra

 

Le vent viendra. Le soir? Le matin? Qu’importe quand et sur quel chemin. Il viendra te dire mon amour. Alors j’aurai la paix du jour qui s’en va.
Je ne baisserai pas la tête devant la saison sèche. Ma soif sera pluie. Le ciel ému laissera tomber ses étoiles dans les yeux de la nuit.
Je ne baisserai pas mon regard devant la route vide. Mes pas seront présence. Dans ma course il y aura toujours la poussière de chevaux qui avancent et les éclairs d’oiseaux impatients.
Sur l’aire de l’été l’enfant était debout avec le silence. L’arc-en-ciel sans orage l’a surpris à l’heure close de midi. Son corps s’est mis à attendre. Dans cet oeil présage, sceau d’élection, oeil fleur, oeil voyage, les enfants donnent rendez-vous à leur enfance.
Il est loin le verger où l’enfant paissait les oies au printemps.
J’entends encore les hirondelles crier et jouer avec la lune de la plaine dans la cour aux couchants.
Je suis parti avec les nuages. J’aurais tant voulu les lier à un fil, les guider dans les champs de luzerne, en faire les cerfs-volants de mes songes, les attacher aux arbres et me reposer à leur ombre.
Le vent viendra. Le soir? Le matin? Qu’importe quand et sur quel chemin. Il viendra de la mer, où l’on peut venir de partout. Il entrera dans les ports et pénétrera loin dans la plaine, où l’on peut être nulle part. Tu l’entendras arriver dans ta cour et chercher de ses mains ton visage. A la lisière du désert, qui n’a pas de paroles, il te dira mon amour. Alors j’aurai la paix avec le sable, la soif, les jours.

Mars 1996