Branche cassée

Au fond de l’impasse
Le renard
Affolé
Ecoute la meute approcher.
Sur la route du temps
L’espace cherche l’infini.
Seule l’herbe sait résister.
La soif
Sait-elle encore remonter le désir?
Les chutes de l’espoir sont si hautes.
J’ai peur de tomber.
Je n’ai pas d’ailes.
Je ne sais pas nager.
Mon amour a perdu la route de ton âme.
Mes mains
Ne se souviennent plus des chemins de ton corps
Pourtant si familiers.
Au fond de l’impasse
Le sentier s’est fait piéger.
Est-ce ton visage?
Delà le mur
Porte étroite
Il y a une odeur fraîche de pluie.
Le renard n’a pas de clé
Et… il a trop couru pour sauter.

Sentier
Mon ami
Mon fidèle
Sentier qui s’en vient
Sentier qui s’en va
Arbre aux voyages
Aux feuilles de poussière et d’asphalte
Aux senteurs d’inconnu
Aux sèves d’orage
Quel poids peut casser tes branches?
Sentier de terre
Sentier d’eau
Où s’en vont les fleuves et les mers
Sentier d’en haut
Sentier du désert
Sentier sans début
Sans fin
Sentier fruit
Sentier racine
Sentier temps
Sentier mon ami
Mon fidèle
Sentier sourire
Sentier caresse
– Où il est si doux de se perdre –
Sentier regard
Pourquoi l’impasse
Branche cassée
Pourquoi le renard?

Derrière la maison
Près du vieux peuplier
Tu dormais nu les nuits d’été
Tes bras tendus vers le vent
Qui effaçait tes ornières en se perdant dans les blés.
Ton haleine
Gardait longtemps le souvenir du printemps.
De ma fenêtre
Je t’entendais appeler mes songes
Avec des essaims d’étoiles dans les luzernes.
Je n’aurais jamais été seul sur tes branches.
Dans les rives aux visages
Les oiseaux
M’auraient appris la joie de courir
D’être attendu
D’attendre.
Au loin
Au bord des étangs
L’espoir
Ecoutait mûrir les hérons blancs.

Près du vieux peuplier
Gisent
Encore
Les roues insolentes des sages.
Bois rouillé.
Au fond de l’impasse
Le renard
Affolé
Regarde ta branche cassée.

Avril 1996