Les Hennas de l’époux promis

à Abdeldeïm de Nefta

A la lisière du jour
Les chamelles paissent leurs derniers songes.
Les dattiers ont déjà soif
Malgré la mer des mirages.
Dans la cour des Hennas
Le matin réveille le bonheur.
S’est-il endormi près d’un aloès trop amer?
Comment s’habillera-t-il ce soir?
La fête l’appelle.
Les tapis les chants les amis
Le rendront beau de promesses
Sur la route
Obligée
Où l’attend l’époux promis
Bien-aimé
Impatient de déchirer le voile du savoir.
Donnera-t-il sur l’infini?
Le sable de la cour
Se prépare
Craintif
A la brûlure du midi.
L’eau salée de Nefta
Mouille ses lèvres d’espoir.
Tiendra-t-il jusqu’au soir?
Le désert fuit les haies
Les dattiers
Les chemins prévus.
J’entends son cri d’amour
Eperdu
Dans les bras du soleil
Où rien n’est décidé d’avance
Ni connu.
Nostalgie d’espace
Où mûrissent les soirs
Delà les murs.
Dans la cour fermée des Hennas
L’époux
Aux yeux d’ombre d’oasis
Avance
Avec le soir bien mûr
Les invités les amis
Et fait taire le silence.
Le vent viendra plus tard danser avec le sable.
Il viendra avec l’envol nuptial des grillons
Et le chant des dattiers
Qui font danser leurs branches vers la nuit.
Le bonheur rougit de henné les doigts de l’époux
Des amis.
Il a des étoiles filantes dans son regard
Et le sourire du bien-aimé sur les lèvres.
D’une cage ouverte par l’attente s’envole une colombe.
Elle se pose sur les terrasses avec la nouvelle lune.
Sa blancheur sera-t-elle fidèle et sans ombre?
Le silence discret des départs
Se farde d’appels et rythmes qui chantent.
Devant le visage de l’époux
Danse le désir de rester et partir
Dansent les mains hennées
Les caresses les baisers des amis
Témoins des derniers jours
Des dernières nuits
Chemins d’un champ possible
Non cultivé
Sans nom
Interdit
Souvenir du champ des sourires
Qui ont tout dit et peuvent tout dire.

A la lisière du jour
Dans la cour esseulée
Emue
Le bonheur regarde s’en aller
Le sable le vent le silence.
Ils s’en vont danser au milieu des dattiers
Où veille encore l’époux bien-aimé de l’enfance.

Août-septembre 1996