Moularès

 

aux mineurs de phosphate

 

Seuls le désert et quelques sourires vivent à Moularès.
Ville mariée à l’oubli, sans visage, nue.
Ville sans passé, sans présent, délaissée par le désir.
Ville née du phosphate et accroupie dans son odeur à la
poussière acide d’espoirs perdus.
Le vent y passe, parfois, dans son errance et lui parle d’herbe, d’oliviers lointains et d’ombre.
Elle l’écoute avec les ramiers des collines sans arbres, nichés dans les anfractuosités du silence qui crée un songe de branches.
Le phosphate, jaloux, brise le temps fossile sur la place des profondeurs. Il menace de tempête la souffrance où se cachent les mineurs.
Moularès ne sait pas parler.
La liberté n’a pas de sourire aux portes des frères aînés.
Ville sans lèvres, elle a seulement appris à crier, depuis le matin, avec les mosquées et les trains de la mine chargés de regards qui aiment le jour et s’en vont au rendez’vous du phosphate où ne pousse qu’une herbe : l’espoir du retour.
Quand la nuit descend des collines avec la lune et les renards, le jour est toujours à l’entrée de la mine. Il attend les mineurs avec un sourire de soir.
La lumière s’assoit dans les rues de Moularès et lave les sourires pour le désert. Elle s’en ira plus tard avec les nuages en prière dans la vallée verte au marabout vert.
Seul le phosphate veille dans les profondeurs aux solitudes.
Il caresse avide les rails et les trains en attendant le cri du matin.

Octobre 1996