A-mort, amour et mort

aux foules de l’oubli

J’ai vu la mort sur le trottoir d’en face.
Je lui ai rendu son sourire.
Nous nous rencontrons si souvent.
Elle a poursuivi son chemin.
Je l’ai suivie.
Elle m’attendait plus loin
Devant l’entrée de l’amour.
Je n’ai pas regardé le numéro de la porte.
Etait-il pair ou impair ?
Avait-il un bis ou un ter ?
Qu’importe.
Je n’ai pas hésité un seul instant.
Je suis entré
Et face à l’amour
La mort est morte.
Je n’ai pas pleuré.
Le coeur de l’instant s’est mis à battre l’éternité.
J’ai hurlé AMEN.

La mort
Graminée du temps
S’en est allée sur les routes qui viennent de loin
Très loin.
Elle n’a rien à craindre
Elles sont immenses
Et l’amour est absent.
Elle s’est fardée de blessures
Qui suppurent la faim et la soif
Infestées de mouches
Saumâtres
Où le désespoir avance
S’étire
Sur l’inénarrable
Les yeux clos
Chargés de larmes.
Il avance
Il tombe
Il se relève
Il avance.
Il n’a plus de jour
Il n’a plus de nuit
Il n’a plus de mains
Il n’a plus de hanches.
La mort séduit les enfants
Et d’un sourire lascif
Ceux qui ont les épaules chargées de temps.
Elle est à l’affût
D’un oeil qui se vide
D’un genou qui plie
D’un bras perdu
Où il n’y a plus de cri.
Elle s’est mise aux vendanges
Elle court partout
Elle danse
Elle foule les corps et les âmes
Elle soutire le sang
Elle est ivre de pouvoir
Rien ne peut l’arrêter
Car l’amour est absent.

Génocide.
Est-ce un métier ?
La mort a ses écoles
Les diplômes y sont très prisés.
Il y a eu des remises de prix
Dans l’été Sud et l’été Nord.
Il n’y a pas de chômage
Pour l’infâme infini.
Les étés passent
Et s’installe l’oubli.

Tuer
Ou laisser mourir…
Y a-t-il une différence ?
Les élèves de la mort se masquent de patrie
Et la patrie d’indifférence.

Regarder
Et ne pas tourner la tête pour ne pas voir.
Le courage de hurler sa présence…
Alors dans l’infini de l’oubli
Par pitié
Ne dites pas AMEN
Même en silence.

Octobre 1998