Dans la plaine du temps

Partir dans le temps d’un verger
D’un vignoble
D’un champ de luzerne
D’herbes sauvages où croît la folie verte
Partir dans le temps d’une étendue de colza
Où la tendresse a décidé
Enfin
De fleurir en caresses de soleil et de songes
Partir dans le temps d’un silence
Odorant d’ombres sous les orangers
Où le vert nuageux s’arrête à l’orée de la lumière
Tombée soudain dans les vallées
Partir dans le temps
Et… prendre le temps de le regarder en face
S’asseoir devant son miroir
Qui devient
Qui change à chaque instant
Et se regarder en face
Sans complaisance
Entre passé-futur et présent.

Suis-je l’enfant qui conduit l’aveugle
Ou l’aveugle qui conduit l’enfant ?
Comment le savoir
Si tu ne sais pas qui est l’aveugle et l’enfant ?
Dans la plaine du temps
Il y a le chemin des saisons aveugles-enfants
Chemin étroit
Qui passe
En se frottant
Entre le plus et le moins
De chacun.
Est-ce le chemin du zéro
Du rien
De nulle part ?
Ou celui des possibles vivants
Où court l’infini du haut et du bas
De l’orient et de l’occident
Des jours et des nuits
Du plein et du vide
Des rires et des larmes en passant par la peur
La peur des espoirs sans amour
Sans amis
Des corps transis de désirs inapaisés
Des rendez-vous attendus
Jamais obtenus
Des solitudes qui ont brûlé
Au bord du lit
Ou d’un verre
Toutes les bougies de toutes les armoires
Avant de tomber dans la torpeur
Tiède
De l’habitude
Où ne fleurit jamais la surprise
Ni la plénitude…
Est-ce le point zéro de l’Être ?

La lune est un oeil ouvert.
Il est l’oeil-enfant.
Il veut voir.
Il cherche les bras ouverts.
Saura-t-il voir ?

Hennissement du désir
Derrière le temps.
Le vent ouvre une fenêtre de nuages sans volets.
La lumière envahit le vide.
Le vide s’aveugle.
L’amour est au rendez-vous.
Il attend.
Les loriots
Dans leur voyage
Ont dû te le dire.

L’été sera-t-il beau ?

Mai 1999