Polyphéme aux troupeaux de songes

                                                                                                  à Jens

 

Très loin
Sur la lande
L’herbe appelle le phare .
Le phare est aveugle
Il ne sait aller nulle part .
Les tempêtes n’ont plus d’amer
Et le cobalt de la mer
Se fait cendre près du phare .
Les routes se sont perdues .
La nuit s’est installée à la proue des drakkars .
Même le vent ne trouve plus le phare .
Phare des orages
Phare du sable
Au sable dans l’âme
Sexe planté dans les dunes
Es-tu femelle
Es-tu mâle ?
Polyphème des nuages chasseurs de pluie
Aux troupeaux de songes
Sais-tu où est le désir
L’espoir ?
Arbre aux ruses antiques
Morts vécues qui avancent
Phare-souvenir derrière la falaise
Masque inutile
Semblant de présence
Quels naufrages y a-t-il dans les églantiers
Derrière le sable ?
A la croisée des routes d’eau qui se cherchent
Tout en haut des dunes
J’allumerai ton oeil
Seigneur inconnu des drakkars
Et je viendrai plonger mes mains dans tes secrets
Trésors amassés près du phare .
Que serait-il sans toi
Pirate des sourires volés aux regards ?
Un matin
Tu partiras avec les oies sauvages
Et mon âme sera tes ailes
Tes voiles
Au-dessus du vent
Qui meut
Sur la lande
Le silence des éoliennes
Sentinelles-fleur
Aux pétales de phare .

Aimer
Sans jamais oser
Prononcer
Le mot amour…
Mais quand le jour viendra
Après tant de chemin
… Quel calme .

Novembre 1997