Radeaux

Horizon d’eau .
Le soleil et les jours s’en vont sur les radeaux .
Habitude du temps .

Arriver à la rive du fleuve . S’arrêter . S’asseoir . Attendre .
Attendre l’ultime départ . Le départ sans radeau .
Le Fleuve se soucie-t-il de ceux qui attendent ?
Il n’attend personne .
Il s’en va .

Le Fleuve m’a dit : – Viens . Prends un radeau et rentre chez toi .
Il m’a tendu sa main qui devient .
Il m’a souri à l’aube . Ses lèvres débordaient de promesses .
Saurai-je les cueillir à temps ?
Attendre …
Et ce risque de ne jamais trouver ce qu’on attend .
Je voudrais rentrer chez moi . Mais j’ai oublié où mes pas se sont mis à suivre le temps .

Je ne veux pas être ton radeau . Tu es trop lourd . J’ai peur de sombrer . Tu n’as même pas de rame . Que dirait le Fleuve en nous voyant passer ? Il ne nous connaît pas ensemble . Il voit tant de radeaux et personne ne nous a présentés .

Le Fleuve a perdu ses rives . Les oiseaux ne savent plus d’où s’envoler .
Il y a des pas de brumes suspendus à l’invisible . Caravane d’eau à l’aube du silence . Sur la mémoire avancent les radeaux .
Les abeilles essaimées ne savent plus où se poser .
Le miroir où sombrent les mirages n’a pas de ponts et les feuilles des saisons attendues n’ont jamais trouvé d’arbres .
Au loin le soleil a laissé tomber un héron .

Ce soir je serai rive pour le Fleuve, le radeau, le héron qui s’est posé sur mon désir .
Nous nous envolerons ensemble .

Le radeau s’en ira où il veut . Le Fleuve le donnera à quelqu’un qui attend de s’envoler avec un oiseau .

Horizon d’eau .
Habitude du temps sur les radeaux .

Octobre 1997