Résurrection

Un ibis aux ailes de felouques – hiéroglyphe du couchant – s’en va sur le Nil à la recherche du vent.
Dans l’immense vallée du temps son ombre courait ce matin à la recherche de l’enfant.
Dans le tombeau de Touthmôsis à la fraîcheur des pénombres Osiris attend.
Sur la paroi où se brisent les songes le pharaon conduit son enfant. Il est jeune… docile… confiant. On ne peut avoir peur du dieu si blanc. Il l’étendra à jamais sur un lit de papyrus verts pour en faire de sa clé son enfant.
Derrière la porte sans porte y a-t-il encore des couchants ? Dans ses yeux il n’y a que le sable sans larmes du temps. Les ibis n’ont plus de marais. Dans l’ombre le chacal veille sur les espoirs inutiles et les amours interrompues peignent des vendanges, des moissons, des canards qui s’envolent de roseaux immobiles.
Derrière les étoiles qui tombent, les oiseaux qui se taisent, y a-t-il encore les caresses du désir, les songes du corps ? Et où sont-ils les poissons irisés qui, rusés sur le Nil, font le mort ?
Tout en haut des marches du retour l’important est-ce l’amour-l’enfant ? Osiris-le temps ?
Je me suis pris enfant par la main.
J’ai traversé la nuit de ma course jusqu’au matin.
Un ibis aux ailes de felouques m’attendait sur le Nil pour me livrer au vent.

Juin 1994