Sur la grève aux papillons immobiles

Sur la grève aux papillons immobiles,
Blanche lumière d’ailes qui se brisent,
L’horizon mure ému son coeur de silences
Dans les yeux mi-clos talus de la plaine
Où le soleil fond l’or rythmé de mes songes
En pampres de fièvres pour le thyrse du midi,
Adolescent mûri d’herbes et de hanches
Qui s’en va nu d’ombres, de chants et d’haleines
Dans les luzernes gercées de temps et d’oubli,
Les mains tendues vers le cri du silence,
Fauve oiseau des orages qui se taisent,
Huppe de soif, d’attente et désirs assoupis…

Dans les rives mortes où l’horizon s’effrange,
Falaise de lointains si lourds de visages
Où niche le fini qui s’ouvre à l’immense,
L’arbre du désir s’allume de cigales :
Brûlure déchirante de foudres qui dansent
Sur les harpes du songe suspendues à l’orage,
Cavalier des élans aux senteurs des pluies d’été
Qui avance aux confins des soifs ivres d’attendre,
Délivrer les blés et les hanches des murs sans portes
Où le midi a perdu la clé des rivages,
Verte saison d’éperviers qui ouvrent les songes
Au chant des marées infinies du voyage…

Quand le midi se baignera au bord du soir,
Je m’en irai à la croisée des solitudes
Offrir la plaine apaisée d’orages et de songes
Aux rives mortes si pleines de certitudes,
Où l’horizon se gave d’étangs de paroles
Qui murent les oiseaux dans les cages de l’ombre…

Le mépris élague les branches du désir
Sur les faux miroirs si amers d’habitudes
Où sombrent les cigales vouées à mourir…

L’arbre humilié de la plaine s’offre au silence…

Février 1988