Terre ouverte (J’avais quatre ans)

à Kolja

Le printemps chante sa polyphonie d’horizons.
Dans les fossés les roseaux rient au matin.
La vache de trait tire la charrue dans les champs.
L’enfant la guide une corde à la main.
La terre ouverte exhale l’odeur des caresses.
Enfant
J’ai soif de sa rosée
De ses promesses.
Derrière la charrue le sillon attend le soleil.
Il sera mûr à midi
Je le cueillerai avec la lumière de mes lèvres
Et je le mettrai dans mes veines
Avec les ailes d’oiseaux à peine tombés du nid.
Mon corps sera alors émerveillé.
Les yeux éblouis
Je crierai
Rirai
Inventerai des haies de frênes sur les cils des lointains
J’embrasserai les songes sur le front de l’infini
Et je sèmerai nos désirs dans les sillons de mon champ
Avec les cris des oiseaux qui reviennent.
J’entends les loriots dans les cerisiers.
Je suis si petit dans l’espace qui m’appelle.
Je suis seul.
Ne me laisse pas mourir d’infini.
Un soleil immense se lève entre les cornes de la vache de trait
Au-dessus de la charrue
Où je marche
Rêve
Dors parfois debout
Entre jour et nuit
Nuit et jour
Je ne sais plus.
Je ne connais pas la mer
Mais je connais l’écume-vagues-nuages
Ils avancent du bout de la plaine.
J’attends l’orage.
J’avance avec la vache de trait
Avec les mirages
Avec ce que tu m’as fait croire
Quelques saisons plus tard
Où j’aurai tellement froid dans la terre blessée
Où tu auras tué le soleil
Avec le couteau de ton âme
Les portes fermées.

Les étangs sont verts.
Viendras-tu au rendez-vous des hérons de la plaine ?

Décembre 2001