Ton jardin l’été dernier ou l’été prochain

à Gigi

  A midi le soleil est lourd sur les épaules de l’été. La soif est épaisse sur les lèvres des solitudes. Il y a des sueurs de larmes dans les mains du mendiant. Brûlures d’attentes. Lointains qui s’effondrent. Un jardin public. Muet. Un banc.
  Avec une cage et un oiseau qui a oublié son chant, je regarde, suspendu au désir, les murs de ton jardin. Les troncs d’arbres immenses y plongent. Fraîcheur de pénombres sur les branches de mon corps. Oiseaux d’espérances folles dans mes yeux. Pupilles dilatées. Eaux de songes au bord du mystère. Deviné. Qu’on hésite à offrir aux caresses.
  Sous le grand cèdre, si ton appeau l’appelle, l’oiseau pourra réapprendre à chanter. Il quittera alors la cage que la timidité des mains garde fermée.
  Y a-t-il un pont-levis ? Les douves sont vides. Même le vent y meurt à midi. Seule l’herbe jaunie rappelle le couchant. Sept fois j’ai tourné autour de tes murs. J’ai trouvé ta porte vers le soir. Entrouverte. Derrière les lierres et les ronces aux senteurs si fortes de songes fanés. La clé est ciselée des jours et des nuits passés à attendre le temps qui s’en va derrière toutes les portes sans attendre jamais personne.
  Sous le grand cèdre il y a la table aux masques pour les invités. Visages qui dansent sur une musique de semblants. Je m’assois pour te regarder. Je t’offre le miroir paisible du soir. Tu peux y voir un visage sans masque. Le sourire lumineux d’un regard.
  Est-ce le visage que tu attends ?

Février 1993