Ulysse

Franchir…
Le cercle
Fermé
De l’habitude
Espace connu
Etang tranquille
Sans saisons
Sans ondes
Temps nu
Regard vide
Sur l’ennui
Rouillé d’ombres
Cadran reptile
Mue exsangue
De jours perdus
De paroles redites
Lovée sans craintes
Sans risques
Sur la pierre inodore
De lave refroidie
D’échos qui s’écoutent
Dans la ruche déserte
Des joies éclamées
Cage stérile
Suspendue à l’horizon
Aveugle
Des départs immobiles…

Franchir…
Le mur
Si haut
Si sûr
Des certitudes
Plaine explorée
Désolée
Sérénité incolore
Sans chemins
Sans orages
Paupière de semblants
Cantilène de gestes
Autour du passé
Bâti de visages
Feuilles mortes
De printemps oubliés
Quiétude infrangible
D’ivresses étouffées…

Franchir…
le collier
de perles
enfilées
défilées
si fausses
si ternes
chaîne fanée
fade Pénélope
sans folies
sans mystère
épouse de l’absence
veuve du songe
ornière du désir
Du plaisir
Suris de ruses
Miel de cendre
Sur les talus nocturnes
Des courses inutiles
Taris de rosées
D’étoiles filantes
Passage obligé
Fenêtre peinte
Sans oiseaux
Sans vaisseaux
Clés de l’infini
Au seuil des attentes…

Franchir…
S’en aller
Delà les cercles
Delà ses murs
Delà les perles
Iles Pénélopes
Ports des lassitudes
Et… partir
Chaque instant
Sur les eaux
Inconnues
Profondes
Du désir
Du songe
Ulysse aurore
Poème du vent
Plaine liquide
Sans erres
Sans escales
Ulysse couchant
Sur la vision
Mouvante
De l’imprévu
De l’immense
Ulysse lumière
Fruit mûr
Ecarlate
Epiphanie sans fin
De la rose
De l’amour
Qui passe loin
Si loin des îles
Si loin des ports
Ulysse folie
Qui franchit
Ivre de mer
Les appels
De la mort…

Avril 1988