Un buffle, une maison, trois enfants

à Brigitte

 

 

Au bord d’un pauvre infini non cultivé la route s’était perdue près d’un buffle.
Le buffle était presque aussi gros que la maison.
La maison était en terre couleur de buffle.
Le soir jouait paisible avec trois enfants entre la maison et le buffle. Un tas d’épis de blé attendait craintif près de la maison les sabots du buffle. Conduit par les enfants il le piétinerait demain en rond des heures et des heures jusqu’à ce que le soleil vienne s’y asseoir et pénétrer d’un espoir la glume, le blé et les regards. Mais au soir l’espoir ne deviendrait qu’une toute petite tache couleur de buffle. Les yeux des enfants et du buffle étaient plus grands que les fenêtres de la maison aux heures de la faim qui n’a pas d’heure.
Du pauvre infini non cultivé avançait déjà une nuit couleur de buffle. L’espoir s’endormit avec les enfants, le buffle, les épis, la maison et le soir sur une natte de terre nue de temps et soudain tout fut silence couleur de buffle.

Décembre 1992